Historique. C’est ainsi que les commentateurs ont qualifié le dialogue qui s’est ouvert entre Taïwan et la Chine.

Manifestation contre Ma Ying-jeou à Taipei, le 29 septembre 2013

Manifestation contre Ma Ying-jeou à Taipei, le 29 septembre 2013

Pour la première fois depuis 1949 – date à laquelle les troupes de Tchang Kaï-chek se sont repliées sur l’île – Pékin accepte de discuter officiellement avec la « province renégate ». Mais on aurait tort de croire que cette hirondelle met fin à des décennies de crise ouverte.

Pour les empereurs rouges, le retour de Taïwan est une priorité, fut-ce au prix d’une agression militaire. Mais leurs ardeurs se sont heurtées à la résistance d’une société taïwanaise attachée à la démocratie, à la puissance de son armée et à la crainte d’un conflit avec son protecteur américain.

Grâce à son boom économique, Pékin a cru avoir trouvé le moyen de vaincre sans combattre – via les contrats juteux concédés aux entreprises de l’île. Ils sont désormais un million de businessmen taïwanais à vivre sur le continent. Et à peser de tout leur poids en faveur de Pékin.

L’élection, en 2008, du président « pro-chinois » Ma Ying-jeou a ouvert la voie à un rapprochement économique sans précédent. Sous son règne, le volume des échanges a doublé, générant même un excédent de 100 milliards d’euros. Mais les Taïwanais, eux, s’entêtent à ne pas se laisser acheter : plus les économies sont intégrées, plus la société s’accroche au statu quo politique. Perçu comme trop proche de Pékin, Ma Ying-jeou a vu sa popularité sombrer sous la barre des 10 %.

À Pékin, le nouveau numéro un Xi Jinping veut en finir avec le casse-tête taïwanais. Selon les analystes, Xi pousse Ma à s’engager dans une négociation politique, préalable au lancement du processus de réunification, faisant fi du risque de déroute électorale qu’une telle concession pourrait valoir à son allié. Pékin semble même avoir déjà tourné la page, si l’on en juge par la cour assidue faite à l’opposition taïwanaise, le Parti démocrate progressiste, probable vainqueur des futurs scrutins. C’est oublier que les démocrates, hier encore ouvertement pro-indépendantistes, seront encore plus rétifs à une réunification à la hache.


Parution Le Nouvel Observateur 20 février 2014 – N° 2572