Six attentats depuis octobre 2013, dont quatre au cours des deux derniers mois. Pékin, Kunming, Canton visés au même titre qu’Urumqi, la capitale troublée du Xinjiang. Des actions de plus en plus fréquentes, audacieuses, organisées et meurtrières… Le problème ouïgour, longtemps cantonné à la lointaine province musulmane, vient bel et bien d’exploser au visage du pouvoir. 

Renforts policiers dans le Xinjiang

Renforts policiers dans le Xinjiang

Deux jours après la dernière attaque à la bombe, le 23 mai, qui a fait 43 morts et une centaine de blessés dans un marché d’Urumqi, Pékin a lancé une vaste campagne antiterroriste. Les forces de l’ordre, déjà écrasantes dans la province irrédentiste, ont été encore renforcées. Arrestations de suspects par centaines, jugements collectifs dans les stades, condamnations à mort : tout l’arsenal répressif est mis en branle.

Mais c’est hors du Xinjiang, dans les mégapoles des régions côtières, que les mesures de sécurité sont les plus inédites. À Pékin, des unités spéciales sillonnent les lieux sensibles, appuyées par des hélicoptères et des maîtres-chiens. Sur neuf lignes de métro et treize lignes de bus, les passagers doivent subir un contrôle aussi poussé que dans les aéroports, ce qui provoque de nombreux retards. De plus, une « armée civile » de 850 000 volontaires – souvent des retraités portant un brassard rouge – prête main-forte aux policiers. Auxquels s’ajoutent 100 000 mouchards, baptisés « officiers civils du renseignement », chargés de signaler tout fait suspect.

Même ces mesures exceptionnelles sont jugées insuffisantes. « Le Quotidien du peuple » invite tous les petits métiers de la rue, des vendeurs de journaux aux cordonniers ambulants, à ouvrir l’œil, comme au bon vieux temps de la Révolution culturelle. Petite innovation : chaque information valable leur rapportera 2 yuans (0,23 euro). Au rythme de trois par jour, ils pourront empocher près de 200 yuans par mois (soit 23 euros) et jusqu’à 40 000 yuans (4 600 euros) pour un tuyau exceptionnel. « Au secours ! Les villes fourmillent d’espions, tempête un blogueur. Pour lutter vraiment contre le terrorisme, il faut des moyens sophistiqués, pas cette mobilisation de masse digne de l’époque maoïste. La vérité, c’est qu’ils veulent de nouveau faire de nous un peuple de délateurs. »


Parution Le Nouvel Observateur 12 juin 2014 – N° 2588