Le chef de l’armée, le général Prayuth, a annoncé avoir procédé à un coup d’État. Un général ultra-royaliste serait bientôt nommé Premier ministre

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La situation a évolué vers le pire, jeudi 22 mai, avec lannonce du coup d’État par le commandant en chef des forces armées, Prayuth. C’est le 12e coup d’État militaire « réussi » (et la 19e tentative) depuis que la Thaïlande est devenue en 1932 une « monarchie constitutionnelle ».

Le général Prayuth a suspendu la Constitution de 2007, constitution qui avait pourtant été concoctée sous le contrôle de l’armée elle-même, après le précédent coup d’État en 2006 contre le Premier ministre de l’époque, Thaksin Shinawatra.

Les militaires ont également suspendu toutes les chaînes de télévision, y compris CNN et la BBC. Il est question que le Web soit mis sous contrôle militaire dès ce jeudi soir. L’armée menace notamment de bloquer les réseaux sociaux en cas de contenu « critique ».

Un Premier ministre rapidement nommé

La situation est encore confuse. On sait pour l’heure que des dirigeants des deux camps, chemises rouges et chemises jaunes, sont entre les mains des militaires. Nous saurons très rapidement si les deux camps sont traités de la même façon, ou si l’armée gardera sous son contrôle les leaders du camp pro démocratie.

Le Premier ministre par intérim qui vient d’être déposé, Niwatthamrong, a disparu. Selon certaines informations, il aurait fui le pays pour éviter d’être arrêté. Il semble que l’ex-Première ministre, Yingluck Shinawatra (sœur du précédent premier ministre Thaksin), démise par un coup d’État judiciaire début mai, soit elle aussi passée à l’étranger.

Le prochain Premier ministre devrait être nommé rapidement par le Sénat qui reste en fonction.

Selon la télévision officielle, le candidat le plus probable serait le général à la retraite Prawit Wongsuwan, 67 ans, qui fut commandant en chef des armées, avant d’occuper les fonctions de ministre de la Défense du gouvernement mis en place par les militaires en 2007.

Le plus extrémiste du camp antidémocratique

La nomination du général Prawit serait une très mauvaise nouvelle pour la démocratie thaïlandaise. Prawith est en effet le chef de file d’une faction militaire dure surnommée « Les Tigres de l’Est », ou encore « Les Tigres de la reine ». Il s’agit d’un corps d’élite ultra-royaliste dont sont issus les gardes de la reine.

Prawit est d’autre part connu pour avoir été depuis l’automne dernier le soutien (en coulisses) le plus gradé du mouvement antigouvernemental et de son leader Suthep qui cherchent à défaire par l’agitation le système démocratique en Thaïlande. Loin d’être un Premier ministre « neutre », ce serait donc le plus extrémiste du camp antidémocratique qui serait aux commandes et superviserait la grande « réforme » politique que les royalistes réclament à cor et à cri depuis six mois.

Selon les bruits qui courent sur les réseaux sociaux, le général Prayuth n’était pas favorable à un coup d’État. Mais ce seraient les durs des gardes de la reine, les anciens commandants en chef Prawit et Anupong, qui lui auraient forcé la main.

Déjà des résistances

L’inconnue la plus importante ne concerne pas les royalistes, mais le camp opposé. Les chemises rouges entreront-elles en révolte contre les militaires, comme elles l’ont répétitivement promis ? Pour l’instant, avec plusieurs de leurs leaders sous les verrous, il est peu probable que le mouvement puisse s’organiser efficacement. Mais selon les analystes, les régions du Nord et du Nord-Est, bastion des chemises rouges, n’accepteront pas d’être volées de leur droit de vote.

Il faut s’attendre à une résistance clandestine de nature à amener à terme une scission au sein même de l’armée, car cette dernière n’est pas aussi monolithique que l’espèrent les royalistes. À Chiangmai, dans la grande ville du Nord qui est le berceau des Shinawatra, des manifestations anti-coup d’État ont déjà commencé.