Les résultats officiels des élections ne sont pas encore connus. Pour Aung San Suu Kyi, deux scénarios sont possibles.

Aung-San-Suu-Kyi

Les résultats des élections qui viennent de se dérouler en Birmanie ne seront officiels que le 21 novembre. Mais on sait déjà que ce vote marque le début d’une nouvelle ère. Il s’agit en effet de la première élection générale depuis 25 ans à laquelle a pris part la Ligue nationale de la démocratie (LND) de la très populaire Aung San Suu Kyi.

Les sondages de sortie des urnes laissent présager une très large victoire électorale de la LND. Dans le camp des militaires, des « poids lourds » sont d’ores et déjà défaits : Htay Oo, actuel président de l’USDP – le parti des militaires qui détient aujourd’hui 70 % des sièges au Parlement – a perdu sa circonscription, ainsi que le président de la chambre basse, Shwe Mann.

À l’abri de la Constitution

Malgré leur déroute annoncée, les militaires ne seront certainement pas balayés du tableau. Depuis qu’ils ont entamé une transition très contrôlée il y a quatre ans, ils ont eu le temps de « visser » la Constitution en leur faveur : 25 % des sièges au Parlement et au Sénat sont occupés d’office pas des militaires et ne donnent pas lieu au vote.

De plus, quel que soit le parti victorieux, la Constitution réserve à l’armée le choix du ministre de la Défense, du ministre de l’Intérieur et de celui en charge des Affaires frontalières. Un système hautement biaisé, mais qui présente aujourd’hui un avantage : armée de toutes ces garanties constitutionnelles, la junte sera moins tentée de recourir à un coup d’État pour « rectifier » le verdict des urnes.

Aung San Suu Kyi n’a pas caché son intention de détricoter cette Constitution fort peu démocratique. Mais pour y parvenir, elle doit obtenir la majorité absolue, c’est à dire, compte tenu du quart incompressible de gradés, remporter 66 % des sièges des deux chambres. Vu la popularité de la « Lady », ce n’est pas exclu. Mais tout dépendra du nombre exact d’élus LND qui entreront au Parlement.

Quatre mois cruciaux

La Birmanie se trouve donc à la veille d’un grand changement. Lequel exactement ? On n’en saura plus qu’avec l’élection du nouveau président en février 2016. Les quatre mois qui nous séparent de cette date sont cruciaux pour l’avenir du pays.

Les observateurs imaginent deux scénarios possibles :

— La LND obtient la majorité absolue (au moins 66 % des sièges). Elle pourra donc introniser un président issu de ses rangs. Suu Kyi est certes « hors concours » : la clause 58 de la Constitution, taillée sur mesure pour empêcher son accession à la fonction suprême, exclut en effet tout candidat ayant des enfants de nationalité étrangère. C’est précisément le cas de la Lady, dont les deux fils nés de son mariage avec le tibétologue Michael Aris, sont de nationalité britannique. Mais Suu Kyi n’a cessé d’affirmer que la victoire de la LND serait sa victoire personnelle. Peu importe qu’elle n’occupe pas nommément le poste suprême, elle serait « au-dessus au président », vient-elle de déclarer.

— La LND ne remporte pas de majorité suffisante pour faire pièce au bloc de 25 % de militaires. L’USDP pourra alors, malgré sa défaite aux législatives, remporter l’élection présidentielle…

Pour le politologue Hervé Lemahieu, les généraux continueront à peser lourdement sur la vie du pays : « Ils détiennent les manettes de ce qu’on appelle l’État profond. Quelle que soit l’issue précise de ce scrutin, rien ne pourra se faire sans leur accord, qu’il s’agisse des pourparlers de paix avec les minorités rebelles, de la réforme de la constitution ou tout simplement de la gestion des affaires courantes… »