Tenzin Gyatso, le quatorzième dalaï-lama, a l’habitude des déclarations qui décoiffent : il lui est arrivé de dire qu’il ne se réincarnerait peut-être pas, ou même qu’il pourrait revenir sous l’apparence d’une femme…

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Dans une interview récente au journal « Die Welt », il évoque de nouveau l’idée de mettre fin à cette lignée ininterrompue depuis 1391. Ce faisant, il se conforme à un devoir d’humilité, les grands lamas n’étant censés se réincarner qu’en réponse aux prières des croyants. Mais, pour le tibétologue Robbie Barnett, le leader religieux envoie un double message implicite.

Tout d’abord à Pékin : « Négociez avec moi de mon vivant, sinon vous aurez un gros problème à ma mort. » L’autre message est adressé aux Tibétains :

« Les différentes écoles de bouddhisme tibétain sont suffisamment fortes et autonomes, vous n’avez plus besoin d’un chef suprême. »

Si le dalaï-lama décidait réellement de mettre fin à la lignée, il mettrait la Chine en face d’un redoutable dilemme : que Pékin nomme lui-même un successeur comme il prétend en avoir le droit, au risque de déclencher un soulèvement tibétain, ou qu’il ne fasse rien, et il aura l’air d’obéir aux décisions du quatorzième dalaï-lama. D’où la virulence de la réaction chinoise.
Le porte-parole du gouvernement vient d’enjoindre sèchement à Tenzin Gyatso de… « cesser de saboter les traditions séculaires du bouddhisme tibétain » !


Parution Le Nouvel Observateur 18 septembre 2014 – N° 2602