Une centaine de soldats armés de pelles, de masses et de bulldozers, ont rasé un site culturel exceptionnel, la plus grande nécropole médiévale arménienne

Peut-on trouver une solution au « conflit figé » du Haut-Karabagh ? Le plus vieux conflit interethnique né de la déliquescence soviétique sous Gorbatchev n’a pas évolué d’un iota, le week-end dernier à Rambouillet, lors des discussions entre Robert Kotcharian et Ilham Aliev, les présidents de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan. Arménien à 75 % mais intégré à l’Azerbaïdjan par Staline, le Karabagh s’en est séparé au prix d’une guerre qui a fait en six ans 20 000 morts et un million de réfugiés. Depuis le cessez-le-feu de 1994, l’enclave montagneuse est rattachée de fait à l’Arménie, qui occupe également les territoires adjacents. À Rambouillet, il s’agissait de négocier un retrait progressif des forces arméniennes en échange du déploiement d’une force d’interposition et d’un référendum permettant à la population du Karabagh de se prononcer sur le statut final de la province.

Mais l’Azerbaïdjan est opposé à toute idée d’autodétermination, préférant caresser l’espoir d’une reconquête. Le budget militaire a bondi grâce aux revenus pétroliers, et l’oléoduc Bakou-Ceyhan promet le pactole dès la fin 2006.

Destruction du site de Djoulfa

Destruction du site de Djoulfa

Bakou ne fait plus mystère de son intransigeance. Il y a un mois, sous l’œil des caméras postées à la frontière iranienne, à Djoulfa, bourgade azérie qui fut jadis la Florence arménienne, une centaine de soldats armés de pelles, de masses et de bulldozers, ont rasé un site culturel exceptionnel, la plus grande nécropole médiévale arménienne, riche de milliers de stèles finement gravées de croix datant des VIIIe au XVIe siècles. Le 19 janvier, le Parlement européen a appelé l’Azerbaïdjan à mettre fin à cette destruction, lui rappelant sa ratification en 1993 de la convention de l’Unesco pour la protection du patrimoine mondial. Selon l’organisation Terre et Culture, qui a lancé une pétition internationale la totalité du patrimoine culturel arménien de cette province du Nakhitchevan a été détruite.

Vue partielle du cimetière de Djoulfa avant sa destruction

Vue partielle du cimetière de Djoulfa avant sa destruction

Voir aussi : http://www.djulfa.com


Parution Le Nouvel Observateur 16 février 2006 — N° 2154