À quelques jours du 25e anniversaire du massacre qui a endeuillé la place Tiananmen, la police chinoise se montre plus répressive que jamais, arrêtant de nombreux opposants sous des prétextes divers.

Confession télévisée de Gao Yu (8 mai)

Confession télévisée de Gao Yu (8 mai)

Certes, chaque année à pareille époque, des dissidents « disparaissent » discrètement, avant d’être tout aussi discrètement relâchés une fois la « date sensible » passée. Mais depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, ces manières soft ont laissé la place à un net raidissement.

Il y a eu d’abord l’arrestation, fin avril, de la célèbre journaliste Gao Yu, dont l’intrépidité lui a valu au total sept années derrière les barreaux et plusieurs reconnaissances internationales (prix d’excellence pour le courage dans le journalisme en 1995, prix mondial de la liberté de la presse décerné par l’UNESCO en 1999). Elle est cette fois accusée d’avoir divulgué, en août 2013, de vagues « secrets d’État ».

J’ai  violé la loi et nui aux  intérêts nationaux. J’ai eu tort et je le reconnais

S’agit-il du « document n° 9 », qui a été en réalité largement diffusé ? Dans ce texte étaient listés les « sept périls » auxquels les cadres du Parti doivent résister, parmi lesquels la démocratie constitutionnelle, les valeurs universelles, le journalisme de style occidental et la société civile. Dans un rappel alarmant des procédés maoïstes, la télévision nationale a montré le 8 mai Gao Yu, vêtue de la veste orange des détenus, confessant ses crimes : « J’ai  violé la loi et nui aux  intérêts nationaux. J’ai eu tort et je le reconnais. »

Connaissant le caractère indomptable de Gao Yu, ses amis n’osent imaginer ce qu’elle a dû subir pour s’accuser ainsi.

Le célèbre avocat Pu Zhiqiang a lui aussi été arrêté la semaine dernière. Son crime : avoir participé le 3 mai à une réunion privée au cours de laquelle une vingtaine d’intellectuels ont commémoré les événements sanglants du 4 juin 1989 – activité étiquetée comme « trouble à l’ordre public » et passible de plusieurs années de prison. Pu Zhi-qiang est un ténor du barreau qui a défendu des opposants comme l’artiste Ai Weiwei, mais aussi des cadres du Parti. Ses critiques contre les camps de travail et la justice chinoise sont souvent citées, y compris dans les médias officiels. L’arrestation d’un tel poids lourd est à n’en pas douter un signal alarmant envoyé aux opposants – et marque la fin des espoirs d’ouverture suscités un temps par Xi Jinping.


Parution Le Nouvel Observateur 15 mai 2014 – N° 2584