Un homme s’immole sur la place Tiananmen… Mais la nouvelle ne « sort » que près d’un mois plus tard !

Deux photos de l’épisode saisissant qui s’est produit le 21 octobre dernier viennent d’être publiées. On les doit à un touriste britannique, Alan Brown. L’incident s’est déroulé à 2 ou 3 mètres de lui, sous le regard de Mao dont le portrait trône sur la porte Tiananmen.

« Le type a dit quelque chose qui a mis en émoi un policier qui se trouvait non loin de lui. Sans prendre d’airs mélodramatiques, le type m’a regardé droit dans les yeux, il a sorti son briquet et il s’est allumé. Le policier a d’abord fait un bond en arrière, puis il a saisi un extincteur sur sa moto et a éteint le feu ».

C’est Peter Foster, le correspondant du Telegraph à Pékin, qui a recueilli et publié hier 16 novembre le témoignage du retraité britannique, qui se trouvait au moment des faits en vacances dans la capitale chinoise en compagnie de sa femme. Aucune nouvelle, aucune photo, aucune « rumeur », n’avait transpiré jusqu’alors dans la presse, ni même sur les réseaux sociaux chinois – pourtant en ébullition constante.

Foster a fait plus que relayer le témoignage d’Alan Brown. Il s’est rendu au Bureau de la sécurité publique de Pékin, c’est à dire au commissariat central, et a montré les photos. L’attaché de presse du BSP a alors reconnu les faits, livrant même quelques informations sur l’auteur de l’incident : « M. Wang, 42 ans, résidant à Huanggang dans la province centrale du Hubei, a recouru à cet acte extrême en protestation contre la décision d’un tribunal local dans une affaire civile ».

On n’en saura pas plus sur les causes de cet acte désespéré, qui n’est d’ailleurs pas unique en son genre. Les immolations de personnes poussées à bout par les injustices ne sont pas rares en Chine. Mais cette fois, ça se passe dans un lieu hautement« sensible », hautement symbolique, et grouillant de policiers tant en tenue qu’en civil (voir par exemple l’homme en baskets tenant un extincteur au premier plan de la photo.)

Selon le bureau de presse de la police, M. Wang aurait été envoyé à l’hôpital après que le feu eût été éteint par un policier. Il serait aujourd’hui hors de danger.

Comme on peut l’apercevoir sur les images du drame, un public fourni était présent au moment des faits. Le touriste britannique dit avoir vu de nombreuses personnes prendre des photos. D’où son étonnement de ne rien voir paraître dans la presse, et sa décision de confier son témoignage à un journaliste anglais.

« Après l’incident, les balayeurs sont immédiatement entrés en scène. Cinq minutes plus tard, il n’y avait plus aucun signe de ce qui s’était passé… », confie Alan Brown.

Il semble que les balayeurs du web aient été tout aussi efficaces. Si Alan Brown n’avait pas eu le réflexe de prendre la scène en photo, puis de s’adresser à la presse, un épisode aussi violent qu’une immolation publique en pleine foule en plein coeur de Pékin serait passé totalement inaperçu.