C’est le héros de tous les jeunes Tibétains, de Dharamsala aux quatre coins de l’exil. Le front toujours ceint d’un bandana rouge – « jusqu’à ce que le Tibet recouvre sa liberté », promet-il avec panache – Tenzin Tsundue a tout simplement déclaré « sa » guerre contre l’occupant « Je n’ai – ni n’aurai jamais – de maison, de femme, de carrière. Toute ma vie, je la dédie au combat pour libérer mon pays ».

Spécial Tibet : le défi à la Chine 5/7


special-tibetSon pays, Tsundue en rêve jour et nuit depuis sa naissance, quelque part au milieu des années 70 – il ne connaît pas la date ni le lieu précis –, quelque part sur les chantiers du Nord de l’Inde où ses parents, fuyant l’invasion chinoise du Tibet, travaillent comme cantonniers. À peine diplômé de la fac à Bombay, il file vers le Ladakh et traverse clandestinement la frontière. Sa joie de fouler la terre de ses ancêtres ne dure que cinq jours. Il est arrêté, conduit à Lhassa, soupçonné d’être un espion à la solde de l’Inde. Il subit interrogatoires, tabassages, humiliations. Les Chinois l’expulsent au bout de trois mois de tortures.

Si le but était de l’intimider, c’est raté. Tsundue est le plus ardent, le plus intraitable, le plus inventif des militants tibétains. Tout leader chinois en visite en Inde en sait quelque chose. En 2002, Zhu Rongji est à Bombay, dans un palace cinq étoiles. Tsundue grimpe la façade sur 14 étages et déroule une énorme banderole portant l’inscription : « Tibet libre, Chine dehors ! ». En 2005, il récidive avec l’actuel chef du gouvernement chinois, Wen Jiabao. Il grimpe cette fois une tour de 70 mètres et brandit devant la délégation chinoise médusée le drapeau du Tibet indépendant. De peur de le voir perturber le voyage officiel du président Hu Jintao en 2006, la police indienne prend les devants et l’assigne à résidence.

Tenzin Tsundue

Tenzin Tsundue

La liberté ne se mendie pas, elle se conquiert

Ce casse-cou qui fait régulièrement de la prison – et la une des journaux – en Inde, est à la tête d’une influente ONG indienne, Friends of Tibet. Il est aussi le premier poète tibétain à avoir reçu un prestigieux prix littéraire indien. « Nous avons trop compté sur le soutien de pays lointains, juge-t-il. Il faut maintenant mettre le paquet sur nos voisins immédiats, comme les Indiens ». Une pierre dans le jardin du Dalaï-Lama, et sa stratégie de conquête douce de l’Occident. Tsundue dit tout haut ce que ses compatriotes pensent tout bas : « Je respecte Sa Sainteté, il est un Bouddha et notre leader. Mais à mon humble avis, il se berce d’illusions s’il croit que les Chinois nous accorderont “l’autonomie authentique” sous prétexte qu’il ne revendique plus l’indépendance, depuis maintenant plus de 20 ans. La liberté ne se mendie pas, elle se conquiert ».

Y compris par la violence ? Tsundue saute au plafond : « On peut se battre pour l’indépendance avec des méthodes non violentes ! Chez nous, la non-violence est malheureusement l’excuse de l’inaction ». Lui a choisi d’agir tous azimuts, quitte à ressembler à ces « petits dieux aux centaines de mains » : conférences, meetings, contacts avec les dissidents chinois, avec la planète des proTibet, rédaction de poèmes, d’articles, de traductions… Et à partir de mars, cette longue marche sur six mois et 2000 kilomètres dans le Nord de l’Inde, en compagnie d’autres enfants de l’exil, calculée pour les amener, le jour même du lancement des JO à Pékin, au col de Natula : à la frontière du Tibet. « Nous rentrons au pays, affirme tranquillement Tsundue. Ils devront tirer sur nous pour nous en empêcher ».

Vidéo : entretien avec Tenzin Tsundue


Parution Le Nouvel Observateur 17 janvier 2008 — N° 2254