Il aura fallu attendre 1999 pour voir apparaître le premier groupe hard rock du Tibet. Namchak se réclame de Metallica, de Nirvana, du hip-hop, et se veut un groupe de fusion à la Red Hot Chili Peppers.

Spécial Tibet : le défi à la Chine 4/7


special-tibetNamchak mixe les sonorités heavy de ses modèles avec des instruments tibétains et les voix de basse des chants bouddhistes. Mais les thèmes restent classiques, voire un brin conservateurs : la famille, l’éducation, la critique du matérialisme, le karma, l’environnement, etc. Plus préoccupés d’éthique bouddhique que de rébellion, les rockers de Lhassa tentent de parler au nom de la nation plutôt qu’au nom de leur génération.

Mais les vrais porte-parole de l’identité tibétaine, il faut les chercher, comme pour les poètes, en Amdo. C’est là que pour les mêmes raisons (voir articles sur les poètes) sont apparus des chanteurs folk adorés de tous les Tibétains. Chaque chanson de Yadon, Kunga, Dhube, accède rapidement au statut d’hymne national. Habillés du costume chamarré des hauts plateaux, grattant la mandoline, chantant des airs traditionnels avec les vibrations de la glotte caractéristiques des voix nomades, on les prendrait presque pour des bardes attardés. Mais à travers la folklorisation imposée, les chanteurs de l’Amdo réhabilitent l’identité tibétaine, y compris sa dimension de ferveur religieuse. Bien qu’en butte à la répression, le Khenpo de Larung gar ainsi que le site de ce campement monastique (voir article religion) sont évoqués avec vénération dans de nombreux clips. Plus osé encore, les allusions à peine voilées à l’absence du Dalaï-Lama. « Le soleil, la lune et les étoiles » de Kunga se lamente sur la séparation des « trois frères » : le « soleil » parti vers le Sud – le Dalaï-Lama –, la « lune » disparue derrière les nuages – le Panchen lama dont on n’a aucune nouvelle – et « les étoiles » perdues dans la pluie et le brouillard – le peuple tibétain privé de ses guides spirituels. Au Tibet, on offre aux chanteurs des khatag, des écharpes blanches, en signe de respect. Quand Kunga monte sur scène, il finit littéralement enseveli sous un monceau d’écharpes offertes par un public en délire. « Le soleil, la lune et les étoiles » est le manifeste voilé de la résistance tibétaine.

Vidéo : entretien avec le groupe Namchak

Un clip de Kunga


Parution Le Nouvel Observateur 17 janvier 2008 — N° 2254